La société civile refuse l’approche policière dans le traitement des manifestations populaires
Ces dernières semaines, la Tunisie vit dans un état d’effervescence sociale face aux politiques d’un gouvernement qui n’a pas répondu aux attentes des tunisiens et tunisiennes, qui n’a pas réussi à faire face à la corruption et qui a instauré une politique d’impunité et d’inégalité devant la loi. Pire encore, ce gouvernement a remplacé le traitement politique par des approches sécuritaires et judiciaires grossières rappelant les derniers jours du gouvernement Mechichi.
Des mouvements légitimes d’un grand nombre de la jeunesse active dans les grands quartiers du Grand Tunis (Tadhamen, Intilaqa, Sidi Hssin, El-Kram, Cité Ezzouhour…) et dans les villes de l’intérieur (El Hamma, Zarzis, Moknine, Nabeul, Bizerte…) ont exprimé les revendications de la révolution, essentiellement la liberté, la dignité, la justice et l’égalité. Ils ont aussi exprimé leur colère face à l’échec des autorités à trouver des alternatives justes et efficaces aux politiques de développement ratées et injustes. Les mouvements sont aussi un mouvement de résistance face à l’utilisation des appareils sécuritaire et judiciaire par l’Etat, pour persécuter, harceler et réprimer des manifestants à travers les méthodes les plus violentes : utilisation de gaz lacrymogène sur des quartiers entiers, descentes policières dans des cafés et des domiciles , des arrestations arbitraires massives, enlèvement d’activistes, emprisonnement des dizaines d’entre eux avec des peines injustes fondées sur des lois antidémocratiques et des décrets beylicaux obsolètes datant de l’ère coloniale. Des accusations fomentées visant à affaiblir le mouvement populaire et à intimider les militantes et militants.
Les organisations, associations et syndicats signataires rejettent totalement l’emploi de la police et de la justice dans les dossiers suivants :
– L’enlèvement du militant Saif Ayadi suite à son soutien à la famille du martyr Malek Sellimi , victime de violences policières dans le quartier Ettadhamen afin de faire taire les témoins, acquitter les sécuritaires coupables assurer leur impunité. La perquisition de la maison de l’activiste Awsse Saadi, emprisonné sans inculpation claire etl’enlèvement et l’arrestation de l’activiste étudiant Ghaith Marzouk dans l’un des cafés de Jbal Lahmer ;
– La persistance à poursuivre des journalistes tels que Ghassan Ben Khalifa, Arwa Barakat et Khalifa El Guesimiet le harcèlement judiciaire des opposants au projet de loi criminalisant les attaques contre les forces armées ;
– Le procès des manifestants de la région de Mornag, sur la base de leurs protestations dénonçant le traitement de l’Etat auprès de Mohamed Amine Dridi, un jeune vendeur de fruits qui s’est suicidé suite à la confiscation de sa marchandise par les agents municipaux, et leur procès inéquitable.;
– Les décentes policières auprès des maisons de nombreux manifestants dans les quartiers d’Ettadhamen, Al-Intilaqa et Al-Kabbaria, et leur arrestation pour enquête en représailles et afin de les empêcher de poursuivre leur manifestation civile et pacifique ;
– L’excessif dispositif sécuritaire autour du tribunal de première instance de Ben Arous lors du procès des tueurs de Omar Laabidi, l’interdiction de dizaines de citoyens de participer à la manifestation organisée durant les ’audiences, l’enlèvement de certains d’entre eux avec des abus à l’encontre des membres de la campagne « T3allem 3oum » ; – Ces restrictions ont touché plusieurs membres du comité de défense ;
– Traduction devant la justice de 36 militants de la campagne « Manish Msabb » de la région de Agareb-Sfax afin de liquider le mouvement réclamant une politique environnementale équitable dans une ville confrontée aux dangers de la pollution et qui se dirige vers une mort lente ;
– Harcèlement d’un certain nombre d’avocat.e.s poursuite de ces dernier.ere.s devant la justice en l’absence d’un procès équitable ;
– Poursuite d’un certain nombre de jeunes suite à des opinions exprimées sur les réseaux sociaux, tels que Wassef Derbali, et ainsi que les diffamations et les incitations contre les militants et les manifestants, portant ainsi atteinte à leur dignité et à leur vie privée ;
Sur la base de ce qui précède, les organisations civiles nationales et internationales expriment :
– Leur soutien absolu à toutes les manifestations pacifiques contre les politiques de marginalisation, d’appauvrissement et de famine, et contre la manipulation de l’autorité actuelle du sort des tunisien.ne.s, qui torpille les espoirs et les attentes de la Révolution en adoptant les mêmes approches rétrogrades de la dernière décennie et les années de dictature ;
– Leur soutien aux forces citoyennes et aux mouvements de jeunes pour poursuivre leurs luttes, dans le cadre du respect de la propriété publique et privée, afin de rester une force de pression continue et influente sur le système de gouvernance dans le but de revoir les politiques de développement, combattre la corruption et respecter les droits et libertés ;
– Dénoncent l’usage excessif de la force, les arrestations arbitraires et les atteintes contre les militants au lieu de traiter les manifestations de manière positive, de comprendre leurs causes et entendre le point de vue des manifestants ;
– Tiennent pour responsable les autorités face aux conséquences de ses politiques économiques et sociales ratées qui produisent des programmes de développement exclusifs causant davantage de chômage, de pauvreté et d’inégalités extrêmes. Elles appellent les autorités à revoir ces politiques, notamment par des décisions de développement justes et une lutte efficace contre la corruption ;
– Appellent à la libération immédiate de tous les détenus, à cesser des poursuites et à garantir le droit d’expression et de protestation, payés par le sang des martyrs de la révolution.
– Annoncent le lancement -en coordination avec tous les organes et structures concernés- d’un dispositif d’aide légale à tous ceux qui sont déférés arbitrairement à la justice, sur la base de leur conviction au droit à un procès équitable et de leur refus d’instrumentaliser la justice pour régler les comptes avec le mouvement de la jeunesse et des droits humains ;
Les organisations signataires annoncent également qu’une conférence de presse se tiendra le mardi 25 octobre 2022, à dix heures du matin au siège du Syndicat National des Journalistes Tunisiens, pour présenter leur position par rapport aux récentes manifestations, à la situation politique et sécuritaire et d’annoncer les formes de lutte qu’elles entreprendront durant cette période de crise.
Organisations signataires :
- Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux
- Syndicat National des Journalistes Tunisiens
- Ligue Tunisienne des droits de l’Homme
- Association Tunisienne des Femmes Démocrates
- Union Générale des Etudiants de Tunisie
- Comité National pour la Défense des Libertés et de la Démocratie
- Al Bawsala
- DAMJ
- Association Tunisienne pour la Défense des Libertés Individuelles
- Aswat Nissa
- Union des Diplômés Chômeurs
- Association Droit à la Différence
- Intersection pour les Droits et les Libertés
- Observatoire National pour la Défense du Caractère Civil de l’Etat
- Association Free Sight
- Association Calam
- Organisation Contre la Torture en Tunisie
- Coalition Tunisienne Contre la Peine de Mort
- Association Karama pour les Droits et les Libertés
- Comité de Défense des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie
- Association Moussawet
- Association Tunisienne pour l’Egalité, la Justice Sociale et la Dignité Humaine
- Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement
- Association Beity
- Réseau Tunisien pour la Justice Transitionnelle
- Dignity & Rehabilitation Coalition
- L’Observatoire Tunisien des Lieux de Détention
- Legal Agenda
- Association Tunisienne de l’Action Culturelle
- Association Insaf
- Association Nachaaz
- EuroMed Droits
- Avocats Sans Frontières
- Article 19
- Psychologues du Monde – Tunisie
Civil society rejects police approaches in dealing with popular protests
In recent weeks, Tunisia has been living in a state of social upheaval because of the policies of a government that did not fulfil the expectations of Tunisian women and men. The Government failed to confront corruption and instead established a policy of impunity and inequality before the law. It replaced political solutions with brutal security and judicial approaches reminiscent of the last days of the Mechichi government.
Legitimate social movements of active youth in a number of major neighborhoods of Tunis (Tadhamon, Al Intilaqa, Sidi Hssin, El-Kram, Cité Ezzouhour…) and in other cities in the interior (El Hamma, Zarzis, Moknine, Nabeul, Bizerte…) have expressed and requested the virtues of the Revolution – freedom, dignity, justice and equality. The protests reflect an outrage at the authority’s failure to find fair and effective alternatives to failed and unjust development policies. They are an expression of resistance towards an authority that systematically resorts to coercive security and justice responses to harass and repress protesters with brutal methods such as the use of teargas in entire neighborhoods, violent police raids on cafes and homes, massive arbitrary arrests, kidnapping of activists, imprisonment of dozens through unjust sentences based on undemocratic, outdated and colonial laws and beylical decrees. These accusations are fomented to weaken popular movements and to intimidate activists.
The signatory organizations, associations and unions express their total rejection of the way police and justice was implicated in the following cases:
The kidnapping of the activist Saif Ayadi following the support he provided to the family of the martyr Malek Sellimi, victim of police violence in the Ettadhamen district in an attempt to silence witnesses, acquit the guilty security officers and ensure their impunity. The search of the house of the activist Awsse Saadi, imprisoned without clear charges and the kidnapping and arrest of the student activist Ghaith Marzouk in one of the cafes of Jbal Lahmer:
The persistence in prosecuting journalists such as Ghassan Ben Khalifa, Arwa Baraket and Khalifa El Guesmi and the judicial harassment against opponents of the bill criminalizing attacks on the armed forces;
The unfair trial of demonstrators from Mornag following their protests against the state’s treatment of Mohamed Amine Dridi, a young fruit seller who committed suicide upon the confiscation of his goods by municipal officers;
The police raids in houses of protesters in the neighborhoods of Ettadhamen, Al Intilaqa and Al Kabbaria, and their arrest for investigation – in retaliation and in order to prevent them from continuing their civil and peaceful demonstration;
The excessive display of armed forces around the court of first instance of Ben Arous during the trial of the killers of Omar Laabidi, the prohibition of dozens of citizens from participating in the organized demonstrations during the hearings, the abduction of some of them and the abuses against some members of the “T3allem 3oum” campaign; these restrictions have affected several members of the defense committee;
The trial of 36 activists of the campaign “Manish Msabb” from the region of Agareb-Sfax in order to shut down the movement that demands fair environmental policies in a city facing the dangers of pollution and heading towards slow death ;
The harassment and prosecution of lawyers in contradiction to the principles of fair trial;
The prosecution of numerous youth – such as Wassef Derbali – following opinions expressed on social media and the defamation and incitement against activists and demonstrators thereby violating their right to dignity and privacy ;
On the basis of the above, the national and international civil organizations express:
– Their entire support to all peaceful demonstrations against the policies of marginalization, impoverishment and starvation, and against the manipulation of the current authority undermining the hopes and expectations of the Revolution by adopting the same backward approaches of the last decade and the years of dictatorship ;
– Their support to citizen and youth movements to continue their struggles, while respecting public and private property, in their attempt at remaining a positive influential force on the system of governance and in pushing for development policies that fight corruption and promote rights and freedoms ;
-Their denouncement of the excessive use of force, of arbitrary arrests and of attacks against activists in lieu of treating the protests positively by understanding their root causes and hearing the views of the protesters ;
The signatories:
– hold the authorities accountable for the consequences of their failed economic and social policies that produce exclusive development programs causing further unemployment, poverty and extreme inequality. They call the authorities to revise them, including through fair development decisions and an effective fight against corruption ;
– call for the immediate release of all detainees, to stop prosecuting them and to guarantee the right of expression and protest, paid with the blood of the martyrs of the Revolution ;
– announce that they begin -in coordination with all relevant bodies and structures- to provide legal support to all those who are arbitrarily referred to justice, in line with their belief in the right to a fair trial and in their refusal of the instrumentalization of justice to settle accounts with youth and human rights movement ;
The signatory organizations also announce that a press conference will be held on Tuesday, October 25, 2022, at 10:00 am at the headquarters of the National Union of Tunisian Journalists (SNJT), to present their position on the recent demonstrations, the political and security situation and announce the forms of actions that they will take during this period of crisis.
Signatory organizations :
- Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux
- Syndicat National des Journalistes Tunisiens
- Ligue Tunisienne des droits de l’Homme
- Association Tunisienne des Femmes Démocrates
- Union Générale des Etudiants de Tunisie
- Comité National pour la Défense des Libertés et de la Démocratie
- Al Bawsala
- DAMJ
- Association Tunisienne pour la Défense des Libertés Individuelles
- Aswat Nissa
- Union des Diplômés Chômeurs
- Association Droit à la Différence
- Intersection pour les Droits et les Libertés
- Observatoire National pour la Défense du Caractère Civil de l’Etat
- Association Free Sight
- Association Calam
- Organisation Contre la Torture en Tunisie
- Coalition Tunisienne Contre la Peine de Mort
- Association Karama pour les Droits et les Libertés
- Comité de Défense des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie
- Association Moussawet
- Association Tunisienne pour l’Egalité, la Justice Sociale et la Dignité Humaine
- Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement
- Association Beity
- Réseau Tunisien pour la Justice Transitionnelle
- Dignity & Rehabilitation Coalition
- L’Observatoire Tunisien des Lieux de Détention
- Legal Agenda
- Association Tunisienne de l’Action Culturelle
- Association Insaf
- Association Nachaaz
- EuroMed Droits
- Avocats Sans Frontières
- Article 19
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